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La Commission européenne a proposé un plan en deux volets pour mieux taxer les géants du numérique, pointés du doigt pour leurs pratiques d'optimisation fiscale agressive. Pourquoi est-il nécessaire, à ses yeux, et en quoi consiste-t-il ?

Les règles fiscales traditionnelles sont fondées sur le principe d' « établissement permanent » : ne peuvent être taxées que les entreprises qui ont une présence physique dans un pays, mesurée par le montant des actifs (usines, machines), le nombre d'employés et le montant des ventes.

Or, les entreprises du numérique peuvent offrir leurs services via le net en étant juridiquement installées dans le pays de leur choix: concrètement dans un Etat qui leur offre des conditions fiscales avantageuses. C'est par exemple le cas pour l'Irlande, qui a réussi à attirer le siège européen de Facebook grâce à ses taux d'imposition avantageux, ou le Luxembourg, pays d'accueil d'Amazon.

Selon la Commission européenne, le taux d'imposition effectif sur le bénéfice des colosses du numérique dans l'UE est en moyenne de seulement 9%, tandis que celui des entreprises traditionnelles dépasse les 20%.

Alors que certains pays, comme la Hongrie, la Slovaquie et l'Italie, ont commencé à mettre en place des règles pour combattre cette situation, l'exécutif européen a décidé de proposer une solution qui pourrait être commune aux 28 de l'Union.

Dans un premier temps, la Commission européenne préconise une taxe provisoire portant sur les revenus (et non les profits, comme le veut l'usage) générés par l'exploitation d'activités numériques. Si cet impôt est appliqué à un taux de 3%, il pourrait rapporter 5 milliards d'euros par an.

Cette taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d'affaires annuel mondial s'élève à plus de 750 millions d'euros et dont les revenus dans l'UE excèdent 50 millions d'euros.

En clair, les petites startups européennes qui peinent déjà à rivaliser avec les mastodontes américains comme Google et Facebook ne seront pas concernées par cet impôt indirect.  

Dans le collimateur de la Commission : les recettes publicitaires des groupes tirées des données de leurs utilisateurs -- le modèle de Facebook, Google ou Twitter -- ou les revenus provenant de la mise en relation d'internautes pour un service donné -- celui d'Airbnb ou Uber par exemple.

En revanche, les entreprises, dont le « business model » repose sur les abonnements, telles que Netflix, ne sont pas touchés, ni celles qui gagnent de l'argent grâce au commerce électronique, de type Amazon.

Au total, entre 120 et 150 entreprises devraient être affectées par ce nouvel impôt : la moitié seront des compagnies américaines, un bon tiers européennes et le reste asiatiques, essentiellement chinoises.

Parallèlement à cette taxe provisoire, la Commission européenne propose une réforme des règles relatives à l'imposition des sociétés qui soit applicable aux activités numériques. Cette option constitue la solution à long terme privilégiée par la Commission européenne. Si elle est adoptée, elle se substituera à la taxe provisoire sur le chiffre d'affaires.

Cette proposition permettrait aux 28 pays de l'UE de taxer les bénéfices réalisés sur leur territoire, même si une entreprise n'y est pas présente physiquement.

   Pour définir une « présence numérique » imposable, l'exécutif européen propose trois critères:

   - Si l'entreprise génère plus de 7 millions d'euros de revenus annuels dans un État-membre.

   - Si elle compte plus de 100 000 utilisateurs dans un État-membre, au cours d'un exercice fiscal.

   - Si plus de 3000 contrats commerciaux pour des services numériques sont créés entre l'entreprise et        les utilisateurs actifs, au cours d'un exercice fiscal.