Typography

Alors que le monde attend avec impatience le résultat des tests  des vaccins potentiels contre le COVID-19, les gouvernements appliquent des mesures afin de contenir, autant que possible, la propagation du virus. L’une des mesures adoptées est le traçage des données personnelles afin de savoir si les capteurs du virus respectent vraiment les règles du confinement et ne quittent pas leur maison. Ceci met en lumière la question de la protection des données personnelles des citoyens et leur sécurité.

Différentes méthodes de collecte de données ont été mises au point par les états afin de surveiller la mobilité des patients contaminés par le coronavirus. En effet, en Corée du Sud, par exemple, des agences gouvernementales surveillent les vidéos enregistrées par les caméras de surveillance, les données de l’état des lieux sur smartphone et les records des achats par carte de crédit. D’autre pays adoptent les mêmes mesures ou au moins  l’une d’elle.

En France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a entériné sous conditions un dispositif prévu par le gouvernement français pour retracer les contacts avec les personnes atteintes par le COVID-19 afin de freiner la propagation de la pandémie.  La Cnil est une autorité administrative indépendante, chargée de veiller à ce que l'informatique ne porte pas atteinte aux droits de l'homme, à la vie privée ou aux libertés.

L'application de traçage StopCovid a été déclarée « conforme » mais à condition de renforcer les garanties de protection des libertés, et d'évaluer régulièrement son utilité.

L'application mobile StopCovid, qui doit permettre en France de retracer les contacts avec des personnes diagnostiquées positives au coronavirus, sera prête le 2 juin pour la deuxième phase du déconfinement dans ce pays, sans avoir recours aux plateformes d'Apple et Google, a annoncé le secrétaire d'Etat au Numérique.

 Il a désormais exclu un partenariat avec les géants américains Apple et Google, qui contrôlent les deux grands magasins d'applications mondiaux (App store et Google Play Store) et veulent proposer rapidement un socle commun pour une application de traçage de contacts. Les solutions d'Apple et de Google « posent selon nous un certain nombre de problèmes en terme de protection de la vie privée et d'interconnexion avec le système de santé », a expliqué Cédric O, le secrétaire d’Etat au Numérique .

« C'est pour ces problèmes , et non  pas parce que Apple et Google sont des grands méchants loups, que nous avons refusé de passer par leurs solutions. Nous aurons une solution qui  fonctionnera de manière très satisfaisante sur l'ensemble des téléphones et nous considérons que la maîtrise du système de santé, la lutte contre le coronavirus, c'est l'affaire des Etats (...) pas forcément celle des grandes entreprises américaines », a-t-il ajouté.

Lors de la présentation de son plan de déconfinement, le premier ministre français Edouard Philippe avait maintenu sa confiance dans le projet, qui suscite des critiques jusqu'au sein de la majorité, réaffirmant vouloir le soumettre à un débat suivi d'un vote à l'Assemblée nationale « lorsque l'application en cours de développement fonctionnera et avant sa mise en œuvre ».

L'application sur smartphone, inspirée de stratégies déployées par Singapour notamment, doit alerter les personnes l'ayant téléchargée quand elles ont côtoyé, par exemple dans un train ou un métro, des personnes diagnostiquées positives au COVID-19, et elles-mêmes équipées. Plusieurs autres pays européens étudient ce type de dispositif.

Il sera basé en France sur le volontariat, anonyme, temporaire et transparent, a promis le gouvernement. L'objectif est d'encourager les personnes averties à se faire tester et à s'isoler. StopCovid permettrait aussi de cartographier l'évolution de l'épidémie, qui a tué plus de 22 000 personnes en France depuis début mars.

Selon la Cnil, dans un « contexte exceptionnel de gestion de crise », le dispositif est conforme aux exigences européennes « si certaines conditions sont respectées ». Il faut en particulier qu'il « s'inscrive dans un plan d'ensemble » de lutte contre l'épidémie, et respecte le volontariat et l'utilisation de pseudonymes.

Pas question aussi pour la Cnil de refuser un test ou un billet de train à une personne qui refuserait d'utiliser l'application. La Cnil relève que l'efficacité de StopCovid dépendra d'une large adoption par le public.

Le commissaire européen Thierry Breton a insisté sur la nécessité que les applications de traçage développées pour lutter contre le coronavirus puissent fonctionner partout dans l'UE, alors que la France et l'Allemagne notamment ont des approches techniques différentes.

« La question de l'interopérabilité est cruciale : les citoyens européens doivent pouvoir être alertés sur une possible contagion de façon sécurisée et protégée, où qu'ils se trouvent dans l'UE, et quelle que soit l'application qu'ils utilisent », a déclaré le commissaire chargé du Marché intérieur lors d'une vidéoconférence des ministres européens des télécoms.

Le  travail se poursuit au niveau technique entre les Etats membres avec le soutien de la Commission pour permettre le fonctionnement de ces applications au-delà des frontières nationales dans l'UE.

Outre l'interopérabilité des systèmes, la Commission européenne recommande que le recours à ces applications se fasse sur une base volontaire, qu'elles soient transparentes, temporaires, qu'elles utilisent des données anonymisées et reposent sur la technologie Bluetooth et non la géolocalisation.

La France, comme le Royaume-Uni, favorisent une architecture « centralisée », dans laquelle le smartphone va vérifier sur un serveur central si le pseudonyme de l'utilisateur est dans la liste des contacts croisés par une personne contaminée. L'Allemagne, à l'instar de la plupart des Etats membres, privilégie désormais une approche « décentralisée » dans laquelle cette vérification se fait au niveau du smartphone et non d'un serveur central.

« Nous ne devons pas nous laisser diviser par ces deux approches différentes », a  indiqué Breton, soulignant que les deux méthodes étaient permises selon les recommandations de la Commission, à condition qu'elles respectent des garde-fous en matière de respect de la vie privée et de sécurité.

D'un point de vue technique, cependant, il est plus facile de rendre les applications compatibles si elles suivent la même approche.

Au Maroc, la policea commencé à utiliser une application mobile pour suivre dans différents points de la capitale Rabat ceux qui ne respectent pas les restrictions de déplacement imposées dans le cadre de la lutte contre le nouveau coronavirus. Le lancement de cette application, mise au point par des ingénieurs de la direction de la Sureté nationale (DGSN), a été officiellement confirmé par une dépêche de l'agence officielle MAP.

Le but est de permettre à la police « de s'informer sur les barrages de contrôle par lesquels le citoyen est passé, facilitant ainsi le processus de suivi de ses mouvements », précise le texte qui cite différents responsables de la DGSN.

Cette application, dans laquelle les policiers enregistrent les numéros de carte d'identité des personnes circulant, ne permet pas aux agents « d'accéder aux informations personnelles du citoyen » et le stockage des informations « se conforme aux critères rigoureux de sécurité, adoptés par la DGSN dans ses bases de données », selon la MAP.

Plus de 53 000 personnes ont été interpellées depuis l'instauration de l'état d'urgence sanitaire, le 20 mars dernier, selon le dernier bilan officiel. Les interpellations sont suivies de garde à vue dans environ la moitié des cas, puis se traduisent par des condamnations en justice dont le prononcé n'est pas connu. Le non-respect des restrictions de déplacement est passible d'un à trois mois de prison et/ou d'une amende équivalent à 115 euros.

La Commission (marocaine) nationale de la protection des données (CNDP) a indiqué sur son site internet avoir « pris connaissance, par voie de presse, de la volonté du gouvernement de mettre en place une application de contact tracing ».

« Cette annonce a immédiatement généré une interrogation voire une inquiétude citoyenne autour des risques de déploiement d'un Etat de surveillance dans le cas où les usages permis par cette application n'étaient pas respectueux des droits humains et encadrés juridiquement », a souligné la CNDP en appelant les autorités à la « transparence » tout en louant leur « démarche pro-active » face à la pandémie.

Un autre exemple est l'Australie qui a lancé une application pour smartphone destinée à retracer les contacts avec des personnes diagnostiquées positives au coronavirus, afin de casser les chaînes de contamination, les autorités s'efforçant d'apaiser les inquiétudes relatives au respect de la vie privée.

L'application baptisée COVIDSafe utilise la technologie Bluetooth et pourra être aussi consultée par les autorités sanitaires si une personne l'utilisant  est contaminée.

Le chef des services de santé australiens, Brendan Murphy, a expliqué que cette application faciliterait la tâche des services tentant de retrouver toutes les personnes qui  se sont trouvées  à moins d'1,5 mètre d'une personne porteuse du virus.

« L'appli donnera la liste des numéros de téléphone de ceux qui se sont trouvés à cette distance pendant 15 minutes ou plus », a-t-il expliqué. « Cela peut permettre de contacter un de ces contacts une journée ou deux plus tôt qu'actuellement. »

Les autorités sanitaires avancent que l'utilisation massive de la nouvelle application permettra de lever certaines des restrictions de mouvement et de rassemblement ordonnées dans le cadre de la lutte contre l'épidémie. Elles expliquent que l'appli deviendra un outil efficace à partir du moment où la moitié de la population l'utilisera. Son utilisation est gratuite et volontaire.

Afin de réduire les inquiétudes relatives au respect de la vie privée, on peut utiliser l'application sous un faux nom, la police ne peut l'utiliser dans le cadre d'enquêtes judiciaires, et toutes les informations sont automatiquement effacées au bout de 21 jours.

Alors que les gouvernements déploient des efforts pour freiner la propagation du COVID-19, il convient d’examiner comment ils utiliseront les données collectées après. La protection de la vie privée reste le souci suprême des citoyens qui n’ont pas toujours confiance en leurs gouvernements.